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Mon histoire de femme qui traverse la poliomyélite

Septembre 1959 Chomedey Laval, J’ai trois ans je suis la dernière d’une famille de trois enfants, avec des parents trop extraordinaires natifs des Iles de la Madeleine.

Un certain après-midi; j’ai dit à maman, j’ai mal au cœur et à la tête; je ne vais pas bien, elle va me dire m’allonger dans mon lit (quel privilège) je viendrai te voir bientôt. Je tombe en m’y rendant et maman vient me relever.

Elle arrive et me dit : « On ne fait pas de blague comme ça! » Elle me relève et je tombe à nouveau. Puis tout s’enchaine : Téléphone, Docteur a la maison, ambulance, direction hôpital Louis Pasteur. J’entends encore le bruit des sirènes Je ne reverrai pas ma famille de sitôt. Il y avait épidémie à Montréal, j’avais pourtant reçue un vaccin mais pas eu le temps de recevoir les doses de rappel. Enfin c’est ce qu’on m’a raconté.

J’ai été mis en isolement, Pendant plusieurs mois je verrai ma mère une fois la semaine à travers un petit grillage recouvert d’un carré de bois qu’on ouvre et referme après son départ.

Je ne peux même pas la toucher. Triste réalité! Le reste du temps se passe en exercices et barres parallèles pour apprendre à marcher avec une orthèse plus lourde que moi. De retour à la maison pour Noel, je retrouve ma famille et surtout ma moitié, ma sœur Lise, qui sera toujours là pour moi. Elle est mon ainée de quelques mois seulement. J’ai le pied gauche déformé et complètement paralysé, le genou gauche très faible et arqué vers l’arrière. J’ai un gros appareil orthopédique très lourd en fer jusqu’à la taille et je me déplace avec des béquille, et j’ai maintenant quatre ans.

Aucune assurance maladie

Il n’y avait pas d’assurance maladie à cette époque. Mes parents ont été aidés financièrement par la Parade Des Dix sous (March of dime) Je me souviens que maman m’avait dit que sans leur aide, ils auraient été ruinés par le cout des services de réadaptation. Moi-même, munie de ma banque, j’ai sollicité des gens au Centre commercial St-Martin à Laval, la réponse était excellente.

J’ai visité fréquemment le Centre de réadaptation de Montréal, c’est un privilège d’y aller puisque je passe toute la journée avec maman. Nous n’avions pas de voiture, alors on y va en autobus avec plusieurs correspondances. On dine au restaurant, un luxe que je ne connaissais pas encore; j’adore ma maman!

Dans  ce  centre,  J’ai  vu  des  atrocités  telles  que  des  enfants  plus  jeunes  que  moi  se  déplacer  en trottinette avec leurs mains. Surtout la fois ou maman s’est trompée d étage, il y avait un monsieur, sans bras nijambe, allongé sur un lit…Je me trouvais bien chanceuse de n’avoir qu’un appareil a la jambe gauche, même si je n’aimais pas vraiment mes bottines brunes de bébé…

Ça fait longtemps que j’ai appris à socialiser et à marcher  sans  béquille.  Je  dois  aller  à  l’école, maintenant, et on avise ma mère que je devrai aller à L’École Victor Doré, pour handicapes. NON! Revendique ma mère, pourtant si résiliente. Elle ira à la même école que sa sœur, un point c’est tout. Je me souviens vaguement d’un entretien avec une religieuse et maman.

Il faut croire que j’avais donné les bonnes réponses puisque je me souviens que l’on partait à pied, ma sœur et moi, avec notre boite à lunch à sa gauche, sa main droite soudée a la mienne.

Mes premières années d’école ont été très difficiles avec  un  manque  de  maturité!  Je  ne  comprenais pas trop le principe, mais qu’à cela ne tienne, dès ma quatrième année tout a été débloqué et par la suite, je fus toujours parmi les premières de classe. J’adorais l’école, mais y aller à pied, surtout à cette époque où il y avait tant de neige n’était pas facile. J’avais des            grosses             bottes    en    caoutchouc pardessus mes grosses bottines brunes, fixées à mon long appareil, le tout retenu par une ceinture autour de ma taille. C’était tellement lourd à trainer et tellement froid l’hiver, ouf! Quand le printemps arrivait, je retrouvais le bonheur de marcher sans couvre chaussures.

En 1967, je suis à la 6e année du primaire. Maman entre dans ma classe, elle vient me chercher.

L’hôpital  Ste  Justine  a  appelé,  tu  seras  opérée demain; il faut y aller maintenant. Je vais te faire un bon diner ma chérie, j’ai vomi mon repas. J’ai été opérée le lendemain et ce fut une longue suite de chirurgies multiples et de terribles douleurs. Elles ont eu lieu en 1967, 1969, 1971,1973, 1976, 1990 et deux fois en 1991.

Je   détestais   les   chirurgies;   je   voulais   juste reprendre ma vie normale avec mes amis. J’avais appris à danser et je craignais tellement de ne plus pouvoir le faire à nouveau.

En 2010, j’ai fait une chute à la maison : fracture de la hanche gauche, celle de la polio. On m’a installé des vis, mais selon le médecin il y avait tellement d’ostéoporose que ces vis étaient dans le vide, J’ai été 1 an en fauteuil roulant.

Il fallait attendre que la cal osseuse se forme autour des vis. J’ai patienté mais les douleurs ne sont jamais parties.

En 2015, la douleur était tellement intense, que je suis allé consulter un médecin avec comme conclusion : mon os était maintenant complètement nécrosé; il fallait retirer ces vis le plus vite possible. Une autre chirurgie et pas la moindre: en m’y rendant, j’ai eu un accident de voiture m’occasionnant trois côtes fracturées toujours côté gauche, on m’a quand même opérée. Les douleurs ont perdurées jusqu’en 2016 alors qu’on m’a enfin installé une Prothèse totale de la hanche (PTH).

Depuis ce temps, oh miracle, plus de douleur!

J’ai fait ma vie à travers tout ça, et maintenant avec nos séances ZOOM par Polio Québec, je peux parler et voir des survivants de la polio. Les voir, les lire et entendre raconter leur histoire m’a donné le goût de partager la mienne. A votre tour maintenant!

 

Par Monique Vigneault